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Côte d’Ivoire : à Abidjan, une opposition unie contre ADO mais à la stratégie incertaine

L’opposition ivoirienne a organisé samedi un grand meeting pour afficher son unité contre la candidature contestée d’Alassane Ouattara à un troisième mandat le 31 octobre.


Publié par Jeune Afrique le 11 octobre 2020. Mis à jour le 12 octobre 2020.


Henri Konan Bédié, lors du meeting de l'opposition, le 10 octobre à Abidjan. [REUTERS/Macline Hien]



C’est la fin de journée et le soleil descend doucement sur la lagune Ebrié. Davy quitte le quartier du Plateau à Abidjan où il a assisté au meeting organisé par l’ensemble de l’opposition ivoirienne. La trentaine, militant du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) depuis les années 2000, il porte un t-shirt vert en l’honneur de sa formation et de son chef, Henri Konan Bédié.


Il se dit pourtant un peu déçu : « C’était important d’être là pour dire que nous sommes opposés au 3e mandat d’Alassane Ouattara. Mais j’attendais un mot d’ordre clair. Nous sommes prêts. Mais on doit savoir exactement ce qu’on attend de nous. Nos leaders ne peuvent plus se cacher. Il faut assumer. »


Ces derniers jours, les proches et communicants de Bédié ne se cachaient pas pour l’annoncer, montrant volontiers les muscles : ce meeting allait marquer le grand début de la désobéissance civile. Après avoir lancé ce mot d’ordre le 20 septembre, Henri Konan Bédié allait enfin en préciser le contenu.



Pas de grosse annonce DE GROSSE ANNONCE


Prenant la parole pour clôturer l’évènement, le chef de file de l’opposition, en sa qualité de doyen et d’ancien chef de l’État, Bédié n’a pourtant fait aucune grosse annonce. Tout juste a-t-il assuré que « la dictature du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) unifié sera vaincue dans quelques jours ou quelques semaines » et appelé le « secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à se saisir du dossier ivoirien pour la mise en place d’un organe électoral indépendant crédible avant l’élection présidentielle ».


Faut-il en déduire qu’il espère finalement y participer ? Ces derniers jours, le Sphinx de Daoukro avait laissé entendre en privé que son combat contre Alassane Ouattara passait désormais avant la question de sa candidature.


« Bédié a envie d’être candidat, mais il est coincé par la pression mise par Guillaume Soro et Laurent Gbagbo. S’il n’a pas su galvaniser les militants ce samedi, quand aura-t-il l’occasion de le faire ? Le pouvoir ne nous laissera plus nous réunir de cette manière », estime un de ses proches. L’élection est toujours prévue le 31 octobre, et la campagne doit se dérouler du 15 au 29.



Véhémence


Avant lui, les autres personnalités de l’opposition réunies au stade Félix Houphouët-Boigny s’étaient montrées bien plus offensives. Pascal Affi N’Guessan, dont la candidature a aussi été retenue, a appelé à une transition politique pour la renaissance de la Côte d’Ivoire ». « Demain et après demain, soyons en action sur le terrain pour le départ d’Alassane Ouattara », a poursuivi l’ancien Premier ministre, présent au côté d’Assoa Adou, représentant de la branche rivale du Front populaire ivoirien (FPI).


Albert Mabri Toikeusse et Marcel Amon Tanoh, dont les candidatures ont été rejetées par le Conseil constitutionnel, se sont montrés particulièrement véhéments à l’encontre du chef de l’État ivoirien, dont ils étaient les alliés il y a encore quelques mois. « Aujourd’hui, nous devons nous lever dans les villes et les villages pour barrer la route à Ouattara », a lancé l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, évoquant « une patrie menacée par des gens sans foi ni loi », « une équipe mafieuse ».


Compagnon de route d’ADO pendant plus de trente ans, Amon Tanoh s’est adressé à celui dont il fut le directeur de cabinet et le ministre des Affaires étrangères : « Dites-lui de libérer notre pays. Nous sommes prêts à mourir pour notre pays ».



Relents xénophobes


Selon les intervenants, les attaques contre Alassane Ouattara ont parfois eu des relents xénophobes. « Nous allons le chasser de notre pays. Il va reconnaître d’« où il vient », a lancé Apollinaire N’Guessan de la plateforme Agir, à l’encontre de celui qu’il a appelé « le mosi », en référence à ses origines burkinabè. En tribune officielle, ces propos ont jeté un froid, plusieurs personnalités demandant à ce que l’intervention cesse.


S’ils n’ont pas totalement rempli le stade, les militants de l’opposition ont tout de même répondu présent. Les accès au Plateau bouclés, beaucoup ont dû marcher de longues minutes pour s’y rendre. Toute la matinée, des centaines de personnes ont ainsi défilé le long du boulevard lagunaire. Comme Ange, venu de Yopougon, tous racontaient la même histoire : « Nos véhicules sont bloqués par la police, qui veut nous faire croire que le stade est déjà plein. » Militant du FPI, Jean-Marie explique de son côté que son véhicule a été attaqué alors qu’il venait de la commune proche de Koumassi. Les organisateurs ont de leur côté annoncé que plusieurs cars de militants avaient été bloqués à Aboisso, Grand-Bassam ou Bonoua, d’autres attaqués à Yopougon ou Port-Bouët.


En cours de meeting, un jeune accusé d’être un « microbe » –  nom générique donné aux enfants en conflit avec la loi – a été passé à tabac par une foule importante. Il ne doit sa vie qu’à l’intervention du service d’ordre.




© Jeune Afrique 2020, tous droits réservés.

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